vendredi, novembre 10, 2006

Les points tournants: la rencontre avec soi

À la Licorne actuellement: Les points tournants (passing places), pièce de Stephen Greenhorn, traduite par Oliver Choinière.

Le titre original de la pièce était : Passing places – a road movie for the stage. Mais il n’existe pas d’équivalent français pour l’expression «points tournants». En effet, lorsque l’on prend les petits chemins de campagne en Écosse, les routes sont souvent à une seule voie. Les «passing places» sont donc des endroits où la route s’élargit, un peu comme des demilunes, et qui permettent aux conducteurs de laisser passer l’automobile qui arrive en sens contraire. Ce sont donc des points de rencontre nécessaires pour pouvoir continuer sa route.


Excellente pièce rythmée et dynamique, punché et juste assez loufoque, très intelligente et qui m'a énormément parlé, comme toutes les pièces d'auteurs écossais et irlandais que j'ai vues présentées par à la Licorne depuis quelques années (Gagarin Way, Howie le rookie, tête première (crestfall). Je suis vraiment frappée par la parenté culturelle, émotionnelle et politique que nous avons avec les Irlandais et les Écossais, et je suis étonnée que nous n'en fassions pas davantage état. Est-il réconfortant ou décourageant de constater que d'autres peuples vivent les mêmes questionnements, la même répression de leur culture, le même danger d'extinction, le même mal de vivre, je ne le sais pas encore, j'y réfléchis toujours ....

Les points tournants relate le chemin parcouru par Brian (steve laplante) et Alex (maxime denommée) qui doivent se sauver de leur patelin natal pour la première fois pour monter vers le nord, un coin de leur pays qu'ils ne connaissent pas. Ils font des rencontres qui vont devenir déterminantes, dans le style typiquement road movie , comme le mentionne le sous-titre de la pièce. La mise en scène, comme souvent à la Licorne, est ingénieuse et vivante et les comédiens sont tous très justes et touchants.

Maxime Denommée- photo de Rolline Laporte

La recherche d'identité est au coeur de cette pièce et je vous suggère l'intéressante introduction de l'auteur écrite en 1999 que vous pouvez lire aux pages 2-3 et 4 du dossier de presse sur le site de la Licorne. Vous y remarquerez à coup sûr la parenté culturelle et politique, comme dans ce passage:
"(...)une génération de jeunes a émergé dans un monde qui avait peu à lui offrir. Ils ont vu l’assurance de leurs parents être érodée au point que le mot licenciement signifiait pour eux ne plus jamais travailler. Ils ont découvert que, pour eux, l’emploi serait à court terme, sous-payé et non qualifié. Ils ont compris que faire des études ne leur donnerait que des dettes dans la vie. Ils ont appris que la vie sur le chômage n’était qu’une série d’humiliations bureaucratiques mesquines et de projets de formation obligatoire bidon. Ils ont donc décidé que le gouvernement les avait abandonnés et que les politiciens étaient des gens qui ne méritaient pas leur confiance. Ils ne pouvaient se fier à personne à part eux-mêmes."

Stephen Greenhorn est né en 1964 dans les Lothians de l'Ouest, en Écosse. Sa pièce passing places a été créée à Édimbourg en 1997, au Traverse Theatre, au moment où le Royaume-Uni s'apprêtait à mettre fin à un règne du Parti conservateur de 18 années, laissant derrière une Écosse morose, en pleine redéfinition de son identité.